La Beauté du Diable explore la présence de Satan dans l’art contemporain sous l’angle de sa figuration et de ses métamorphoses. Au-delà des représentations faisant explicitement référence au Diable ou à sa symbolique, l’exposition vise à interroger l’esthétisation du Mal au travers d’oeuvres qui opèrent une transmutation du « repoussant » en jouissance esthétique.

 

Exposition collective présentant des œuvres des séries Viande (1998) et Voitures (1998) de Valérie Belin.

 

Au-delà de leur sujet, ces séries relèvent d’un travail qui porte essentiellement sur la lumière et d’une transfiguration du morbide en sublime. C’est cette beauté tragique que l’on retrouve dans la série Viandes, dont est extraite la photographie Sans titre (1998) qui documente une salle d’abattoir. On y voit des carcasses d’animaux agglomérées de telle sorte que, perdant leurs contours, quasi informes, elles deviennent composition abstraite. Elles dégagent de fait une ressemblance cruelle avec les corps humains et les charniers. Elles procèdent à une défiguration littérale que renforce la sublimation du noir et du blanc, ténèbres et lumière accentuant les sinuosités de la chair, annihilant la violence du sang décoloré. L’œuvre corrobore ainsi la vision de Georges Bataille lorsqu’il affirme que « l’abattoir relève de la religion », le comparant à ces temples «servant en même temps aux implorations et aux tuerie ».

 

En ce sens et même en l’absence de corps, la série des carcasses de voitures de Valérie Belin fait inévitablement penser à la photographie de Robert Wiles, publiée par LIFE magazine, le 12 mai 1947, montrant le corps intact d’une jeune femme qui repose sur le toit d’une voiture après s’être jetée du haut d’un immeuble. Reprise par Andy Warhol (Suicide (Fallen body), 1962) pour sa série Death and Disaster, la publication dans le journal était accompagnée de la mention suivante «The most beautiful suicide». Le fait divers est dramatique et relève de l’horreur cependant. Aucune beauté dans les conséquences de ce geste contrairement à ce que suggère la mention racoleuse et cynique du journal. Mais ce qui est beau en revanche, c’est la photographie elle-même, qui renvoyant à l’histoire de la peinture, montre une jeune femme comme endormie, nimbée par le jeu des lumières se reflétant sur la carrosserie déformée sous le choc de la chute pour former autour du corps un délicat drapé. Une beauté tragique que l’on retrouve aussi dans cette œuvre de Valérie Belin particulièrement sculpturale, où la violence des contrastes vient souligner les formes inconcevables prises par ce « corps » meurtri.

commissariat : Benjamin Bianciotto, docteur en histoire de l’art et Sylvie Zavatta, directrice du Frac